Le concept d’une innovation « low-tech » – mot forgé par antonymie avec les high-tech – prend de l’ampleur depuis quelques années. Cette innovation durable, orientée vers une civilisation techniquement soutenable y compris à long terme, prend – mieux – en compte les contraintes sur les ressources, se focalisant sur le développement de technologies sobres, agiles et résilientes, mais aussi sur les composantes organisationnelles, sociales, sociétales, commerciales, culturelles, systémiques… de l’innovation. Elle permet d’explorer d’autres voies, complémentaires (au moins dans un premier temps) voire alternatives (à terme) de l’innovation high-tech.

Des critères low-tech ?

Une seule certitude : les low-tech visent à satisfaire les « besoins », essentiels ou non – et dont la définition elle-même  appelle certes à des questionnements nombreux – tout en réduisant drastiquement la consommation de matières  (notamment non renouvelables) et d’énergie, la production de déchets et les impacts environnementaux, sur tout le  cycle de vie des produits. En première approche, on peut déjà appliquer certains critères :

– Sur la capacité à durer : simplicité technologique, robustesse, réparabilité, modularité, possibilité de  réutilisation et réemploi, plans et technologie accessibles à tous, interopérabilité…

– Sur la consommation de matières premières : renouvelables ou non, rares ou non, produites dans des conditions  environnementales et sociales « acceptables » ou non, selon le choix et les critères d’exploitation ; facilité à  démanteler et à recycler en fin de vie

– Sur la consommation d’énergie : énergie de fabrication (énergie grise) et à l’utilisation, fossile ou renouvelable

– Sur l’impact environnemental : empreinte écologique au cours du cycle de vie, externalités négatives  (environnementales, sociales et sanitaires) …

– Sur le degré d’autonomie d’usage, de maîtrise locale, de simplicité, d’accessibilité au plus grand nombre, et  donc de résilience, apporté par la solution

– Sur le « degré d’utilité », même si cette notion est évidemment plus difficile à appréhender. On peut comprendre  que la consommation de ressources rares, par exemple, est plus « admissible » ou plus « acceptable » pour  certaines utilisations que pour d’autres (pensons aux applications médicales…). Est-ce que les dégâts  environnementaux engendrés « valent » vraiment l’utilité de l’objet ou du service rendu ?

– Sur l’impact « systémique » de l’innovation : diminue-t-elle ou augmente-t-elle la complexité, le nombre  d’interdépendances, par rapport au système en place ? Génère-t-elle des effets induits, positifs ou négatifs  (dans leurs conséquences environnementales) dans les usages, les comportements, les modes de  consommation ?

Par ces critères, on ne peut établir si un objet est low-tech ou non, mais on peut du moins savoir s’il est plus ou moins  low-tech qu’un autre – c’est-à-dire s’il abîme plus rapidement ou moins rapidement la planète qu’un autre objet ayant  une fonction comparable, s’il puise plus ou moins rapidement dans le riche stock de matières premières, renouvelables  ou non, à notre disposition, s’il permet une plus grande appropriation, compréhension ou autonomisation de ses  utilisateurs. Sur tous ces critères, le Fairphone est bien meilleur qu’un smartphone « standard », par son souci de  modularité, de maitrise de la provenance des métaux rares employés, des conditions sociales des sous-traitants de  fabrication ; les logiciels libres sont bien meilleurs que les logiciels propriétaires car ils consomment moins de  ressources de calcul donc provoquent moins d’obsolescence « systémique » entre software et hardware (ils sont aussi  plus « appropriables » et vont donc dans le sens d’une plus grande autonomie et d’une certaine résilience) ; le vélo,  même à assistance électrique, est bien meilleur qu’une petite voiture légère à essence, elle-même bien meilleure qu’un  gros véhicule hybride ou électrique…

 

Cet article est tiré de la note Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l’innovation « low-tech » ?
publiée par La fabrique Écologique et téléchargeable dans son intégralité : https://www.lafabriqueecologique.fr/vers-des-technologies-sobres-et-resilientes-pourquoi-et-comment-developper-linnovation-low-tech/